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Extrait d'essai littéraire

Extrait de textes de commande privée

(travail d'écriture de mémoire)

Louis, mon aimé,

 

Je ne suis pas une spécialiste de l'écriture, c'est un talent que je te laisse. J'ai toujours préféré l'action à la réflexion. Un peu trop me disais-tu … Les mots arrivent tous en même temps dans l'encre de mon stylo, désordonnés, brouillons, pressés et je ne serais sans doute pas capable de les ordonnancer comme tu l'aurais fait. Comme ils étaient fiers et élégants dans ta bouche, ils glissaient de tes lèvres, légers, charmeurs, parfois délicieusement cruels mais toujours si distingués. Un peu comme toi, non ? Est-ce à dire que la parole est à l'image de celui – celle – qui la créée ?

D'instinct, je vais dire non, je préfère ne pas mettre à jour des théories qui me seraient par trop défavorables, nous dirons donc que les mots sont mystérieux et sauvages, qu'ils appartiennent à ceux qui savent les enjôler. Et quel séducteur tu étais, Louis … même absent, tu sais encore me troubler, le souvenir de ton parfum, l'image fugitive d'un geste de ta main - tu bouges souvent les doigts d'une façon presque dédaigneuse lorsque tu es très agacé, le sais-tu ? – tout en toi m'a bouleversé, conquise, anéantie. Définitivement.

Je rougis parfois encore en repensant à la chaleur de ta peau, je rougis toute seule en fixant les cyprès que je vois de mon balcon et j'ai aujourd'hui presque quatre-vingt-huit ans. Je n'aurais jamais cru être capable de vivre si longtemps sans toi.

Qu'importe si cette lettre ne ressemble à rien, si la syntaxe est saoule et si les mots en sont usés comme des vieilles pantoufles ! Cette lettre, et toutes les autres, tu ne les recevras pas. C'est rassurant pour moi quelque part, j'aurai été terrorisée si tu avais du les lire, je me suis toujours trouvée indigne de toi, le savais-tu ? Oui, bien sûr mais tu avais l'élégance de me le faire oublier. Dans tes bras, j'étais une reine.

Je te crois capable de tout deviner, peut-être même de savoir les choses avant moi, peut-être même de connaître le contenu de cette lettre qui restera pourtant dans un tiroir. Oui, tu es capable de çà.

Je t'aime. Je t'aime encore, je t'aime toujours, et çà ne finira pas. Même morte, je t'aimerai encore, d'avantage si c'est possible. Tant que j'aurais une âme, elle sera tienne. Et même après.

C'est étrange cette impression que je vais quitter cette terre avant toi. Je ne sais pas d'où elle vient. Je vais préparer le ciel pour toi, je vais faire briller les étoiles et le soleil, balayer les nuages et mettre la table dans le Jardin d'Eden. Tout doit être parfait.

Je t'aime depuis soixante-trois années. Et je suis certaine que toi aussi tu n'as jamais cessé de m'aimer.

Louis, je t'aime. Je t'aime tant. Je t'aime tout le temps. Je t'aime toujours.

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